15/4/2025

Plan d’action “continent de l’IA” : le CeSIA appelle la Commission à tenir le cap d’une régulation ambitieuse

La Commission européenne a publié mercredi 9 avril une feuille de route visant à faire de l’Europe un « continent leader de l’IA ». L’un des cinq piliers de cette stratégie concerne la « simplification réglementaire », avec des mesures présentées comme nécessaires pour réduire la charge administrative des entreprises. Bien que la Commission affirme maintenir l'objectif d'une IA sûre et respectueuse des droits fondamentaux, le Centre pour la Sécurité de l’IA (CeSIA) s'inquiète de voir l'institution européenne céder au narratif d'une compétition débridée et exhorte la Commission à ne pas sacrifier la sécurité des citoyens européens dans une course mondiale à la puissance de l’IA.

En affirmant que « la course pour le leadership en IA est loin d’être terminée » et en faisant de la « simplification réglementaire » un axe prioritaire de sa stratégie, la Commission adopte un narratif contraire aux efforts de régulation et de coopération indispensables au développement d’une IA sûre et fiable.

« La compétition dérégulée pour le développement de l'intelligence artificielle constitue l'un des pires scénarios pour nous protéger des risques systémiques de cette technologie. Remettre en cause le cadre réglementaire à peine établi, c’est saper la confiance des citoyens et envoyer un très mauvais signal sur l’indépendance stratégique de notre continent en cédant à la pression des États-Unis. Nous exhortons la Commission européenne à tenir son cap initial : privilégier une régulation robuste et protectrice plutôt que de s'aligner sur un narratif sacrifiant notre sécurité sur l'autel de la compétitivité. L'Europe a l'opportunité de montrer la voie vers une IA qui bénéficie réellement à tous, plutôt que de s’engager dans une course dont les conséquences pourraient être dévastatrices pour nos sociétés. » Charbel Raphael Segerie, directeur exécutif du CeSIA.

Une rhétorique directement empruntée aux entreprises technologiques

Le CeSIA regrette que la Commission européenne fasse sien un narratif promu par les entreprises technologiques, qui s'affirment plus inquiètes de l'« incertitude réglementaire » que des risques systémiques liés à une IA trop peu encadrée. La publication du plan d'action coïncide par ailleurs avec le lancement d'une consultation publique visant à « déterminer si la législation numérique européenne répond adéquatement aux besoins et aux contraintes des entreprises » – une inversion préoccupante des priorités, où les exigences des entreprises semblent primer sur l'objectif premier de la loi : garantir que le marché commun serve les besoins et intérêts des citoyens européens.

Ce choix de cadrage est d'autant plus problématique qu'il fait écho à la rhétorique récemment adoptée par l'administration états-unienne. Lors du Sommet pour l'action sur l'IA à Paris, le vice-président américain J.D. Vance avait déclaré qu'il n'était « pas là pour parler de sécurité, mais d'opportunités », appelant à ce qu'« un vent de dérégulation souffle sur les discussions ».

Un recul symbolique pour la régulation de l’IA

Prise dans une tourmente d’intérêts contradictoires, la Commission européenne semble réviser ses priorités en matière d’IA, déclarant par la voix de Henna Virkkunen, Commissaire Vice-présidente à la Souveraineté technologique, qu’il ne serait « préjudiciable pour personne de réduire certaines obligations de déclaration » des entreprises dans le cadre du règlement sur l’intelligence artificielle (AI Act).

La communication officielle de la Commission met l'accent sur la nécessité de rendre le cadre réglementaire « plus simple et plus fluide ». En suggérant que certaines exigences pourraient être ajustées pour répondre à des impératifs de compétitivité, elle alimente une incertitude sur la priorité réelle accordée à la sécurité de l'IA. Alors que le Code de bonnes pratiques du AI Act n’est pas encore publié, cette approche brouille le message politique porté par l'Union européenne et donne le sentiment que les règles peuvent être renégociées avant même d’être appliquées.

Ce que veulent les Européens : plus de régulation, pas moins

Voir l’Europe reprendre à son compte la logique de la dérégulation et de la compétition envoie un signal contraire à l’autonomie stratégique de notre continent et à la volonté clairement exprimée par sa population d’encadrer fermement cette technologie. Les experts alertent depuis des années sur les risques considérables d’une IA déployée sans garanties solides de sécurité et sur l’urgence de mettre un terme à la course dérégulée à la puissance de l’IA.

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